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Page:Michel - La misère.pdf/342

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LA MISÈRE

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« 1 Ses défauts ! Est-elle charmante ! Vos défauts, belle dame, je vais vous les dire : « Vous êtes orgueilleuse, et de quoi ? Sotte et laide, on ose avoir de la vanité. Vous êtes égoïste, tout le monde sait cela ; vous ne comprenez rien aux questions d’humanité ; vous manquez du sens esthétique ; et puis votre plus grand crime est de n’avoir pas fait l’aumône de votre cœur au pauvre et chétif Gustave. Vous n’allez pas lui donner un petit citoyen dont il se croit le père. » « Il lui prit les mains. > — Oh ! ciel ! » fit-il « tu es plus froide qu’une morte. » Menons-la dans sa chambre, » dit Nanette qui s’était avancée à pas de loup, c’est sa position qui veut cela. Voyez-vous, monsieur le marquis, ne vous tourmentez pas. Retournez vers le comte que votre absence inquiéterait. » -> Oui, ajouta Valentine, « laisse-moi ; un peu de repos me fera du bien ; va m’excuser auprès de nos convives. » << Gustave la quitta bien à regret. » « Quand elle se vit dans sa chambre, dans cette retraite toute pleine des souvenirs de son jeune âge ; quand elle fut couchée dans ce lit virginal, au pied duquel pendait une image de sa première communion, sur laquelle se détachait en lettres d’or la pieuse légende : Précieux souvenir si vous êtes fidèle, sa faute prit les proportions d’un crime. Elle se mit à sangloter. Nanette, flairant un malheur, gardait le silence. » « Tout à coup, la marquise repoussa ses soins et se mettant sur son séant, rejeta en arrière les lourdes tresses de cheveux blonds. « Laisse-moi, » dit-elle,

  • ne me touche pas, mes mains souilleraient les tiennes. Tu ne sais pas que je

suis une femme perdue ! > « Parlez bas, dit Nanette en prenant dans ses bras la tête de Valentine qu’elle appuya contre son sein, « parlez bas ! ou plutôt, taisez-vous : je ne veux rien savoir ! » Non ! non reprit Valentine en proie à la plus violente exaltation. Non ! non ! tu m’as servi de mère, tu es ma mère je veux tout te dire pour que tu me repousses ! > « Elle était hors d’elle et se meurtrissait la poitrine, criant : J’en ai assez de toutes ces louanges qui me tordent le cœur ! Je veux que quelqu’un me crache à la face la malédiction que j’ai méritée. > << Elle se leva, se mit à genoux, et dit : — Vois quelle fange cachent les dehors de ma vertu : je suis la maîtresse d’Artona ! > «  Mon Dieu ! » dit dans le corridor la grosse voix de M. Paul, « < j’ai cru qu’il n’en finirait pas avec cette histoire de chasse. Dis donc, Jean-Louis, sais-tu où a passé mon gendre ? Ah ! bon ! bon ! je le vois… Eh ! dites donc, vous, je vous y prends à écouter aux portes. Vous dites ce n’est rien, et plein d’inquétude vous venez… »