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LA MISÈRE

451 Sans que personne m’en eut rien dit, j’étais sûr qu’Angèle avait été la victime du patron. Enfin vous reconnaissez avoir agi sans preuve ? Je le reconnais. — Votre sœur ne vous a jamais fait de confidence au sujet de l’attentat dont elle se prétend aujourd’hui la victime ? Jamais. Qu’espériez-vous en attentant à la vie de votre patron ? Nous venger ! le punir ! Vous vouliez obtenir de l’argent, pour vous taire. L’accusé devient pourpre. ― De l’argent ? c’est lui qui m’en a offert. Sans ça, peut-être, le cœur m’aurait manqué pour le frapper, car enfin c’était mon patron et nous n’avions jamais eu à nous plaindre de lui. Mais quand il m’a présenté ce billet de banque que je lui ai jeté en morceaux à la figure, je n’ai plus été maître de moi. Ainsi l’offre d’argent vous a seule poussé au crime. — Je ne dis pas ça. J’étais bien venu dans l’intention de tuer le patron, mais s’il m’avait témoigné le moindre repentir, s’il avait eu honte… vous comprenez, monsieur le président, on ne tue pas un homme sans hésiter, mais au contraire M. Rousserand a parlé de ma pauvre sœur dans des termes… Et puis cet air de croire que je voulais de l’argent… Mais votre sœur se conduisait déjà très mal, au temps où elle était ouvrière dans la fabrique de M. Rousserand. «  L’accusé, avec force — C’est pas vrai ! Vous pouviez l’ignorer. Non non ! Je n’ignorais rien, ma sœur était, elle est encore une honnête enfant. < Au banc des témoins, la fille Brodard, la tête dans son tablier, sanglote. < Son frère se tourne vers elle et lui crie : » Ne pleure pas, Angèle, ne pleure pas, c’est des menteries, lève la tête, ma sœur, la honte et le déshonneur sont pour celui qui abuse d’une enfant. » > Accusé, taisez-vous, ne faites pas de phrases. On va vous prouver que votre sœur est descendue au dernier degré de l’immoralité. Greffier, donnez lecture de la pièce nº 3, extraite des minutes de la police. « Le greffier lit : > « L’an mil huit cent soixante-dix… le 31 mars, dix-heures et demie du soir, « rue Sainte-Marguerite, n°… à Montmartre, dans le logement occupé par la « < nommée Olympe, fille soumise, inscrite sous le numéro 2453, ont été arrêtées : « 1° La fille Brodard (Marie-Anne-Angèle), au milieu d’une véritable orgie, « sous l’inculpation de tapage nocturne et de flagrant délit de débauche clan<< destine. Cette fille, insoumise, jusqu’ici, était parvenue à échapper aux règle<< ment de la police. » « 2° La fille Olympe, pour tapage nocturne, rébellion à l’autorité, coups et << même blessures aux agents. » -