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LA MISÈRE

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. ses malheurs, s’informeraient de ses affaires. Il était probable aussi qu’Auguste lui adresserait des questions embarrassantes ; peut-être aussi les jeunes filles se retrouveraient. Quelque confiance que lui inspirât la mauvaise conduite qu’on prêtait à Auguste, il voyait son intérêt à ce que ce dernier restât le plus longtemps possible à Mazas, il se promit de s’y employer. Il se promit aussi de se rendre compte des gens que connaissait le petit Brodard. Jean-Étienne coupa court aux réflexions de Lesorne en lui disant : — Veux-tu que je t’aide à faire ton trou, hein, vieux ! Il ne s’agit pas de battre l’antife (marquer le pas) sur le boulevard, sans avoir à béquiller (manger), croismoi, fais-toi casserole (mouchard), c’est une position tout à fait tranquille. Il entrait dans le rôle que jouait Lesorne, de paraître hésiter, c’est ce qu’il fit, puis il convint qu’il avait rendez-vous avec M. X… pour le lendemain. Une visite interrompit la conversation, c’était Grenuche qui venait de temps à autre chez Jean-Étienne. Ah, mon pauvre Brodard ! s’écria-t-il, c’est moi qui puis te renseigner sur Lesorne à qui tu avais recommandé tes enfants ; il les aimait bien. Malheureusement il a été tué et les petites ont disparu quelques jours après. Et sur ton Auguste donc, je sais où il est descendu, chez sa maîtresse, qui demeure avec une vieille, tu verras ! La chance revenait à Lesorne ! peut-être, à l’aide des indications de cet animal de Grenuche, pourrait-il triompher de bien des difficultés. Il se fit donc raconter tout ce que savait Grenuche, hors les avertissements que celui-ci avait donnés à Lesorne au passage l’Écuyer, et à Auguste chez la marchande de mouron. La présence de Jean-Étienne lui inspirait cette réserve. Celui-ci ayant regardé l’heure à sa montre, prit congé de ses camarades. Il avait reçu dans la journée un billet d’une écriture contrefaite accompagné de quelques billets de banque. Le billet était ainsi conçu. «  Des personnes haut placées ont confiance en vous pour une affaire qui ne doit point être ébruitée. Ceci est un acompte. Si vous voulez le reste de la somme, gardez le silence et montez au second étage du nº 50, rue de la ChanceMidi. La chambre est louée pour la journée, vous y trouverez la personne qui vous donnera des explications. . Jean-Étienne, un revolver sous son paletot, était allé rue de la Chance-Midi, au 50. Trompe-l’œil, au milieu de sa boutique encombrée, le reçut. Qui demandez-vous ? dit le marchand. — J’ai un rendez-vous dans cette maison, la chambre du second étage a été louée pour la journée ? En effet, dit Trompe-l’œil, un étranger est venu louer ce matin, vous pouvez monter. Il lui montra l’escalier Jean-Étienne se trouvait là en pays ami, cela sentait le bandit. Il monta.