Page:Michel - La misère.pdf/647

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
647
LA MISÈRE

647 Un éclat de rire de Mozambique lui répondit. Voyez-vous, dit Jehan, comme ce sauvage est plus fin qu’on ne croit. Il fut convenu qu’on s’informerait des magistrats instructeurs. Jéhan et Lapersonne haussèrent les épaules. me A qui donc voulez-vous qu’on s’adresse ? demanda Me Grégoire, qui n’étrit guère plus illusionnée qu’eux. A la prison de Clairvaux, où il a risqué sa vie pour sauver deux de ses compagnons ! Cela vaudrait peut être mieux, cet acte-là ne peut être nié par personne ! On s’interrompit sur ce sujet, pour agiter la question du retour de Brodard. Mme Grégoire, au milieu du silence général, raconta l’incroyable histoire de Brodard venant à Paris sous le nom de Lesorne. Il y avait donc une ressemblance bien complète. Alors celui qui venait d’arriver n’était pas Brodard, mais le compagnon avec lequel s’était fait l’échange. C’était une terrible complication. Il se fit un nouveau silence pendant lequel Mme Grégoire arrangea dans le båt du chien plusieurs bouquets étiquetés. C’est lui qui fait la tournée chez les pratiques, dit-elle avec son orgueil ordinaire lorsqu’il s’agissait du chien. Il se présente sans se tromper, allez ; chacun prend dans le bât le bouquet à son nom et met l’argent en place. Va, Toto, mon brave. Elle lui ouvrit la porte et le regarda descendre, fier comme s’il portait le monde. Quelques instants après, Lesorne, prenant la tournure si longtemps étudiée de Brodard, se précipitait dans la chambre. Mais c’est lui ! c’est bien luit s’écria Me Grégoire. Et qui voulez-vous que ce soit ? si ce n’est moi. Et les enfants, où sont-elles ? crièrent toutes les voix. — En sûreté à la campagne, répondit à tout hasard Lesorne ; il tâtait le terrain pour savoir si ces gens connaissaient la première substitution, il n’eut pas de peine à le reconnaître. Ce qu’il ne pouvait comprendre, c’est qu’il n’eût pas fait l’effet d’un spectre, puisque Brodard avait été tué sous le nom de Lesorne ; il y avait un mystère là-dessous. Lesorne, habitué aux difficultés, bâtissait en lui-même plusieurs versions, afin de n’être point surpris. Il était évident que ces gens ne croyaient pas Lesorne mort, et avaient douté, à son arrivée, qu’il fût Brodard. Mais qui donc était mort, alors ? C’était un fameux limier que Lesorne, il avait un flair incroyable. Écoutez, dit-il, d’un ton mystérieux, je ne puis vous expliquer comment il se fait que cette fois je suis sous mon nom, vous le saurez bientôt. « Pauvres amis ! que je suis heureux ! il s’attendrissait, vous m’avez pris pour un revenant. Un revenant des mines, dit l’étourdi Jéhan, qui ne doutait déjà plus.