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LA MISÈRE

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partant avec son fils ; il s’endormit dans l’endroit le moins en vue du pont, l’enfant appuyé sur son visage de manière à le cacher. Le gendarme alla voir plusieurs fois à l’auberge sans retrouver son nouvel ami ; enfin, ne le voyant pas revenir, il en conclut qu’il lui était arrivé malheur, fit mettre en consignation le cheval et la voiture, et, sur ses indications, les journaux racontèrent la lamentable histoire du sergent Gélabert, disparu avec son fils ; on chercha longtemps les assassins. Le gendarme demanda qu’il fût ajouté à la note relative à Gélabert quelques lignes à l’intention des parents dont ce malheureux avait parlé, afin qu’ils pussent connaître son malheureux sort. LXXXV AUGUSTE BRODARD CHEF DE BANDE Désormais tout pesait sur Auguste Brodard, mais son énergie se développait de plus en plus ; il était à la hauteur de son malheur et ne perdait pas l’espoir de le conjurer.

Auguste était au secret le plus absolu, chaque fois que la marchande de mouron était venue solliciter la permission de lui parler ou au moins de lui faire passer quelques provisions, on lui avait invariablement répondu que cela était impossible vu les graves présomptions qui existaient contre lui. Quant à Lesorne, il n’était pas retourné chez Mme Grégoire depuis sa mise en liberté ; la mort de Trompe-l’œil, l’un de ses anciens complices, l’avait un instant effrayé, la découverte de tous ses crimes passés ne tenait qu’à un fil, ce fil était entre les mains de Sansblair qui, soit en prison, soit au dehors, était également à craindre. Le seul moyen qu’eût Lesorne d’être en sécurité était la police des réunions qu’il avait craint d’abord ; il fallait qu’il entrât tout à fait dans la peau de Brodard ; malgré le peu de confiance qui lui avait été accordée chez Mme Grégoire et ce qui pouvait lui arriver dans les endroits où il était exposé à rencontrer des amnistiés. Lesorne étant bien mort aux yeux de tout le monde, il fallait que la personnalité de Brodard ne soulevât aucun doute. C’est pourquoi, voulant se débarrasser de toute crainte au sujet d’Auguste, il écrivit cette seconde lettre : << Monsieur le préfet de police, « Je ne souhaite pas que l’événement justifie mes prévisions, mais je suis assuré que l’élargissement d’Auguste Brodard serait le signal de nouveaux crimes ; plus tard je vous préciserai les choses d’une façon indéniable, je ne puis, en attendant, que vous prévenir. Veillez ! veillez bien ! >>