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LA MISÈRE

731 Qui vous y avait abandonnée Je ne l’ai jamais su. Bref là-dessus, quel âge avez-vous’? Mais je ne peux pas le savoir, monsieur, peut-être bien entre soixante ou soixante-cinq. Où avez-vous été arrêtée hier ? Sur un banc, où je m’étais assise. Pourquoi avez-vous été arrêtée ? Je ne sais pas, monsieur. Ne mentez pas. Je ne mens pas, monsieur. Pourquoi étiez-vous assise sur le banc ? Parce que j’étais fatiguée. — D’où sortiez vous ? J’avais cherché de l’ouvrage, je n’en ai pas trouvé. — Quel est votre domicile ? Je n’en ai plus, monsieur ; les propriétaires ne veulent pas des gens qui ne peuvent payer. Quel est le dernier domicile, où vous avez demeuré ? La prévenue baisse la tête sans répondre. Accusée, je vous demande quel a été votre dernier domicile ? L’accusée à voix basse : Saint-Lazare, monsieur. Ne plaisantez pas avec la justice ! Mais monsieur, je n’ai pas dormi sous un autre toit, depuis si longtemps, que je n’en puis donner d’autre. C’est bien. Après quelques minutes de délibération la prévenue est condamnée à trois mois de prison comme vagabondage. L’accusée. ― je suis si lasse ! Le président. Mes bons messieurs, est-ce que je ne pourrais pas avoir six mois, Vu l’impertinence de l’accusée, sa condamnation est augmentée de quinze jours. L’accusée. Six mois, messieurs, je vous en prie. COL Pourquoi qu’on la condamne, dit le petit, et pourquoi qu’elle demande six mois ?. Je t’ai déjà expliqué que quand on ne trouve pas d’ouvrage, et que par conséquent, on ne peut payer son loyer, c’est un crime qu’on appelle le vagabon dage, et qu’on le punit comme tu vois. Elle demande six mois parce qu’il fait meilleur sous un toit que dans la rue. Quand vous m’avez pris, j’étais vagabond, n’est-ce pas ? dit l’enfant. Oui, môme, mais maintenant tu n’as plus rien à craindre. Auguste dormait de cet étrange sommeil où l’on entend, où l’on pense, sans pouvoir faire un mouvement ; les terribles aventures de la veille lui causaient