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LA MISÈRE

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Sol fut condamné à cinq années de réclusion. Il sortit, fredonnant à demi-voix sa chanson du forçat. Un forçat libéré du bagne S’en allait seul, marchant toujours ; C’est ainsi qu’il fit en deux jours Le long chemin de la montagne ; Il ne demandait pas de pain, Point d’abri dans la grange ouverte. Mais enfin, sur la mousse verte, Pâle, il s’endormit un matin. Les interrogatoires burlesques des jeunes vagabonds et de leurs maîtresses réjouirent la salle et le jury pendant plusieurs heures, et portèrent au comble la rage du président. Et malgré l’ordre d’être extrêmement sévères, les jurés se contentèrent d’envoyer tout ce monde à la maison de correction jusqu’à 21 ans. Gabriel dit Sansblair et Auguste Brodard son complice, tous deux contumaces, furent condamnés à la peine de mort. Hein ! dit Mme Marcel à’sa fille, en voilà un procès qui à fait du bruit ! Il aboutit à condamner des gens qui s’en battent l’œil ; ils sont loin, et ils doivent avoir le sac ! Ses lèvres minces se soulevaient de convoitise. Mais les autres, dit Claire, il y en a beaucoup de condamnés. Ah ! les autres, ce sont des innocents ! reprit la vieille, ça ne compte pas. CII LE FEU DANS LA MINE Pareil aux cyclones des régions équatoriales, le métel passe sur les grandes plaines, âpre et glacé, venant du nord ; il passe, déracinant les sapins, renversant les villages, balayant comme une poussière d’immenses épaisseurs de neige, et les dispersant dans les airs pour amonceler, par places, des montagnes qui changent incessamment de forme. A l’entrée des mines, parmi les piquets de cosaques et de soldats qui veillent nuit et jour à empêcher les évasions, notre ancienne connaissance Hlop, songeur comme il ne l’avait point encore été rêvait à quelque projet, si hardi ou si difficile que son front, surmonté de cheveux rudes, se contractait entre ses mains. Hlop n’a point oublié sa promesse, il espère la réaliser à la faveur du métel, qui désorganise tous les services, même la garde des prisonniers. Comment ? il n’en sait rien encore : les idées tourbillonnent dans son cerveau et le vent de plus en plus violent hurle sur la forêt, tordant les sapins comme des brins d’herbe. Quelques villages ayant déjà été détruits, Jes habitant s fuyaient à travers les nuées de neige, parmi les montagnes incessamment élevées et nivelées. La nuit venue, les gardiens de la mine, battus par la tempête, cherchaient un 4