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LA MISÈRE

821 Mère, quand donc viendra le père ? Jamais ; il dort au bord des flots ; i Sur une plage solitaire Où le monde n’a plus d’échos. Là, près de lui dans la grande ombre, Ses amis reposent en nombre ! Que l’âpre vent des mers pleurant toutes les nuits De ses gémissements couvre les froids proscrits ! Combien, tout remplis d’espérance, Vaillants et rêvant l’avenir, En mirage voyant la France Se sont couchés là pour dormir ! Que l’âpre vent des mers pleurant toutes les nuits De ses gémissements couvre les froids proscrits ! Les uns, cœurs que la lutte enivre, Rapides, allaient en avant, La vie, avec l’écho du cuivre, Leur sonnait la charge en passant ; Les autres sans amour ni haine, Ont jeté la coupe encore pleine. Que l’apre vent des mers pleurant toutes les nuits De ses gémissements couvre les froids proscrits ! Leurs noms sont par des mains fidèles, Sur une pyramide inscrits ; Et les cyclones, de leurs ailes, Vont les frappant toutes les nuits, Répétant de la terre aux nues Leur plainte aux plages inconnues. Que l’âpre vent des mers pleurant toutes les nuits De ses gémissements couvre les froids proscrits ! Il y en eut de toutes sortes, des chansons, mais pas une n’eut le succès de celles de Brodard ! Pour quelqu’un qui n’a pas vu, mais seulement entendu raconter ces choses, disait-on, cet Yvon Karadeuk vous les fait sentir, comme si on y était. A peine si Auguste, chantant la belle voilée, œuvre du Villon du bagne, eut un succès d’un instant : le vieux Karadeuk, avec sa voix brisée, emportait tous les suffrages. Pourtant l’idée du Villon avait quelque chose de saisissant. Toujours elle portait un voile : C’était un fantôme charmant ; A voir son beau regard d’étoile, Le cœur était pris à l’instant ! Chaque jour, elle était suivie Par un essaim de jouvenceaux, Et chacun d’eux avec envie Admirait des attraits si beaux. Effeuillez, effeuillez des roses Il est ainsi de toutes choses.