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LA MISÈRE

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du vieillard. Elle s’imaginait lui apporter des renseignements sur son petit-fils qu’il avait depuis le matin. Elle fut introduite près du vieux comte, et ne remarqua pas d’abord la présence du chiffonnier et de l’enfant (ils étaient si mal mis). Pourtant son instinct l’avertissait qu’elle allait faire un four colossal. Monsieur, dit l’horrible femme en dardant ses yeux ronds sur le vieillard, à peine si j’avais pu lire dans les journaux la recherche continuelle que vous faites de votre petit-fils, qu’il m’est venu des indices pouvant vous aider à le retrouver. J’ai mon petit-fils, madame ! Elle fut abasourdie, mais se remettant aussitôt, elle réfléchit que les documents qu’elle possédait étaient quand même utiles, c’est-à-dire vendables dans le cas où le vieillard voudrait rétablir l’histoire de l’enlèvement. Alors, dit-elle, je n’ai plus qu’à me retirer. Un instant, madame, dit le fils du guillotiné, vous avez des renseignements, vous aviez la bonté de venir les offrir, pourquoi partir sans les donner. Il parlait en termes choisis et faisait salon avec beaucoup d’aisance, mais sa maigreur, ses traits énergiques et un peu sauvages donnaient quelque inquiétude à Mme Marcel. Elle répondit : Je vous ai dit ce qui m’appartenait, c’est que l’enfant existe, le reste no m’appartient pas et je crois qu’on le vendra plutôt qu’on ne le donnera. Le vieillard se dressa dans son lit. Me Marcel s’aperçut que le grand maigre avait la clef de la porte dans sa main osseuse. Pourquoi m’enfermez-vous ? dit-elle. Dame, je suis responsable depuis un an environ de l’enfant, mais je veux que le reste soit aussi net, qui sait si on ne m’en donnerait pas la responsabilité. Mais je ne sais rien de plus que je ne vous ai dit. Ah ! et ces papiers que vous avez à la main, qu’en vouliez-vous faire ? Ces papiers ne m’appartiennent pas. Elle n’eut pas le temps d’achever ; le grand maigre lui avait arraché les demifeuillets déchirés que nous connaissons et les avait jetés au vieillard qui, avec un étonnement immense les lisait, ne pouvant en croire ses yeux. C’était la partie où la signature d’Anne Figuier était apposée. Vous devez savoir, disait le chiffonnier tout en maintenant Me Marcel, que les indices concernant cet enfant appartiennent au grand-père. On vous les paiera, soyez tranquille, mais vous ne nous ferez pas chanter. Le vieillard lisait tout haut sans s’en apercevoir. pas. C’est vrai, dit le petit, pour ce qui est de Mme Cruchet ; avant, je ne sais Le nom de Davys-Roth épouvantait le vieillard. Qui donc a les premières lignes de ces feuillets, dit le chiffonnier ? Je ne puis vous le dire, répondit Mme Marcel dont la dernière espérance était en Grenuche.