Page:Michel - La misère.pdf/936

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
936
LA MISÈRE

936 LA MISÉRE récit pourrait avoir pour appui, les découvertes faites dans cette maison, et réciproquement. On pourrait aussi prouver une partie des faits arrivés à NotreDame-de-la-Bonne-Garde ― on a voulu faire disparaître les témoins, j’en connais qui en savent long ! je correspondrais avec eux. Mme Catherine tremblait comme une feuille. — J’avais bien deviné ! continua froidement l’inconnue. Mo Mixlin ! vous pouvez maintenant prévenir Angèle Brodard. Je suis à vos ordres à toutes deux moyennant certaines conditions. — Lesquelles ? — Vous poursuivez la vengeance, moi je poursuis la fortune, il faut que chacune de nous soit satisfaite. Je vous livre vos ennemis, —vous me donnez ce que vous possédez, ce n’est pas trop payé. La vengeance est le plaisir des dieux. Si vous acceptez, je m’établis chez nous. Venez, dit Mme Mixlin ! Elle la conduisit dans le boudoir où seule en ce moment rêvait douloureusement Fleur d’or la tête appuyée dans ses mains. Le monstre fut admis à la poursuite de l’œuvre commune. Pendant que ces événements se passaient en France, un obscur mariage avait lieu à Sydney entre deux étrangers ; les grâces qui avaient été faites après les révélations de de Méria, ayant atteint les naufragés Kérouen Darek et Claire Marcel, ils pouvaient sans danger se marier devant le consul de France à Sydney. Quant au désir de revoir la France, il était loin de leur pensée, Claire et Kérouen n’y laissaient, à part le kaër de Rouen et les catacombes, que des souvenirs douloureux : Venez, écrivaient-ils aux frères Philippe ! là-bas, tout nous rappelle des mauvais jours, ici nous avons un horizon nouveau un peu sauvage, c’est ce qui nous plaît. Mais les Philippe qui savaient que le vieux monde recèle dans son agonie une lointaine aurore, restaient à la voir lever, bien d’autres qu’eux avaient été pris dans les rouages vermoulus, ils voulaient aider à les briser, et puis Philippe aimait encore trop Claire Marcel, nul étranger n’assistait au mariage de Claire et de Kérouen, ils étaient tous deux en grand deuil, et les témoins, quatre mineurs comme le marié, profitaient de cette journée, non pour s’amuser, mais pour se reposer du travail écrasant des mines. Assis sur le rivage, à l’ombre des eucalyptus, ils se faisaient raconter les aventures des naufragés qu’ils entrecoupaient de naïves exclamations, car les mineurs étaient du pays, quand un mouvement inaccoutumé se fit sur le rivage. On venait de retirer de l’eau nn homme qui paraissait mort, cet homme n’était autre que Sansblair. A travers la transformation qu’il avait fait subir à son visage, Claire reconnut le misérable. Elle l’avait entrevu le jour du naufrage à travers la tempête qui jetait pêlemêle sur la côte les épaves du Beaumanoir et celles de John Bul, les morts et les vivants.