Page:Michel Corday - La Houille Rouge, 1923.djvu/16

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article est un article de foi. Il l’avale les yeux fermés, comme l’hostie. Il l’assimile, il le mêle à sa propre substance. Son journal pense pour lui : mais il croit penser par lui-même. Grâce à cette illusion, c’est un jeu, pour ceux qui tiennent la presse, de manœuvrer les masses.

« Maintenant nos maîtres — nos vrais maîtres — touchent leur but : disposant de la foule, ils disposent des hommes au pouvoir. Quiconque a vécu dans les coulisses de la politique sait bien que les gens en place sont animés avant tout du désir d’y rester, et les autres du désir de les supplanter. Ministres et ministrables ressemblent à de vieux collégiens qui jouent à chat-perché. À la recherche d’une majorité nécessaire à leur ambition, les uns et les autres flairent le vent, scrutent les journaux, écoutent la foule. Ils murmurent : « Le pays s’inquiète… le pays s’irrite… Il y a une ambiance… Il y a un mouvement d’opinion… » Parbleu ! L’opinion, ce sont nos féodaux qui l’ont claironnée, dans l’énorme porte-voix de la presse. L’opinion, ce sont eux qui l’ont décrétée, qui l’ont imposée… Ah ! Comme ils doivent rire de ces Excellences, de ces Chefs d’État, de ces Empereurs, dont ils ont fait leurs complices, de ces girouettes qui s’orientent dans le sens où ils ont soufflé, de ces