cutée, même parmi les ingénieurs qui entourent mon mari. Ils se livrent au jeu des hypothèses. Dirigeable à grande hauteur, armé d’un canon sans recul : ballonnets poussés par le vent et munis d’un mouvement d’horlogerie. Tout un cliquetis de termes techniques — projectile auto-propulseur, tubes télescopiques — se mêle à des imaginations de roman-feuilleton : un simple canon lourd, caché au fond d’un parc dans la banlieue, serait servi, selon les uns par des artilleurs en révolte, selon les autres par des Allemands déguisés en soldats français…
Ce matin, le bombardement a repris à sept heures. On a voulu donner l’alerte au tambour. Mais le sergent de ville transformé en « tapin » provoque l’hilarité de la foule insouciante. Aux fenêtres, les ménagères continuent de battre leurs tapis à grands coups retentissants, qui eussent dominé le bruit des explosions. La vie n’est pas troublée.
L’offensive allemande préoccupe davantage. Commencée, paraît-il, depuis trois jours, elle était annoncée depuis trois mois. Elle se déroule précisément dans cette zone abandonnée depuis un an par l’ennemi, au point où se joignent les fronts anglais et français. Heureusement pour moi, mon fils est dans les Vosges.