Page:Michel Corday - La Houille Rouge, 1923.djvu/202

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divers bombardements et par la crainte de l’investissement… Dans les gares, les trains ressemblent aux convois de pèlerins pour Lourdes. Dans des chariots, des fauteuils roulants, des civières, on apporte des impotents qui ne pouvaient pas descendre au signal de l’alerte et qui, par surcroît, immobilisaient autour d’eux leur famille. On n’admet plus que les voyageurs sans bagages. Encombrés de paquets à la main, ils s’alignent jusque dans la rue. Cependant l’orgueil n’abdique pas. Autour de moi, l’approche de Pâques sert de prétexte aux départs : « Oh ! nous ne faisons qu’avancer nos vacances. » On sourit jaune du mot charmant de Lucien Guitry : « Nous, nous ne partons pas pour les mêmes raisons que les autres : c’est parce que nous avons peur. »

Autour des banques, un double courant de foule affairée… Les uns emportent leurs fonds, qu’ils voient déjà saisis par l’ennemi. Les autres apportent au contraire des bibelots précieux, des tableaux, qu’ils mettent à l’abri des obus et des bombes dans les coffres souterrains.

Une sorte de terreur policière… On est arrêté pour avoir nommé les points de chute des projectiles que le super-canon égrène sur la ville, pour avoir dressé la liste de ces points de chute,