Page:Michel Corday - La Houille Rouge, 1923.djvu/209

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

5 avril 1918.

Vraiment, c’est à désespérer parfois de l’espèce humaine, tant sa bêtise apparaît insondable à la lueur de la guerre. Au village, ces conscrits hurlants, avinés, inconscients, qui défilent au son de la grosse caisse, devant tant de maisons en deuil… À la ville, ces foules du dimanche soir, si bestiales, si brutales encore… Ces conversations de train, où éclatent l’ignorance et la vanité, où s’éructent tous les poisons versés par la presse… Et l’odieux stratège de restaurant qui, tout en découpant son « poussin cocote », tourne l’ennemi, enveloppe l’aile gauche, rabat ses armées…

Pour reprendre espoir, il me faut évoquer la finesse, le bon sens savoureux, l’intelligence latente de ces artisans, de ces cultivateurs, « filleuls de guerre » que j’accueille en permission, tant à Paris qu’à Ganville, m’efforçant de mon mieux d’atténuer le contraste injuste et choquant de notre bien-être et de leur dénuement. Terrain fertile, qu’on laisse en friche. Ceux-là sauveront-