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six mois de prison. Un journal du soir propose de « tuer tous les pessimistes », simplement.

Les conseils de guerre ne suivent pas ces exhortations à la lettre. Mais ils sévissent durement. La chronique des tribunaux offrira plus tard aux curieux d’histoire une étonnante collection de leurs verdicts. J’en ai découpé des échantillons : on est condamné pour avoir dit que les Allemands sont encore forts, ou que l’hiver sera rude, ou qu’on manquera bientôt de ouate hydrophile…

Et ces propos ne sont pas toujours recueillis par des policiers… Ils sont souvent rapportés par des dénonciateurs bénévoles. C’est le « régime des suspects », qui encourage la délation, qui sert les plus vils intérêts, les plus basses rancunes.

Chacun doit se défier de ses voisins, même dans la détente cordiale d’un repas. Au moment de partir pour Ganville, on m’a cité un fait incroyable. Trois généraux dînaient à une table amie. L’un d’eux s’exprime librement sur certains de ses supérieurs. Les deux autres se turent. Un convive les dénonça. Tous trois furent frappés, l’un pour avoir « mal parlé de ses chefs », les deux autres pour n’avoir pas protesté.