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LES « HAUTS FOURNEAUX »

Andernos, 20 septembre 1914.

J’ai cru que je n’aurais plus le courage d’écrire. Tout, dans la guerre, atteint et ruine ma foi dans l’avenir meilleur, dans le progrès, la lente conquête du bonheur. C’est le réveil d’un rêve que je caressais depuis que je pense. Tous les matins, je dois rapprendre qu’il y a la guerre. L’affreuse faillite…

Et puis, devant ces grands horizons simples des landes girondines, ces eaux planes, dans cet air vif où le souffle salin se mêle aux senteurs de résine, je me suis ressaisie, rassemblée.

Il m’a paru qu’en dehors même des besognes charitables, une existence privilégiée comme la mienne, au lieu de s’abandonner au désespoir, pouvait encore servir son idéal. Le but a resplendi devant moi, dominant, lumineux, comme un sommet : puisque l’immense catastrophe est déchaînée, il faut en démêler les causes afin d’en éviter le retour. Oh ! Je n’ai pas la prétention ridicule d’y parvenir seule, ni de sitôt. Mais ma contribution, si modeste qu’elle soit, ne peut pas être inutile. Il n’y a pas de témoignage superflu,