Page:Michel Corday - Les Hauts Fourneaux, 1922.djvu/262

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sous des prétextes variés. Et il obéit moins à l’amour-propre qu’à la crainte d’exciter la jalousie. Un mobilisé occupe-t-il un poste à l’abri ? Un combattant est-il trompé par sa femme ? Aussitôt, des lettres partent du pays pour dénoncer l’un, pour avertir l’autre. Et quand un soldat est envoyé de l’arrière au front, on dit cruellement des parents : « Enfin, ceux-là aussi vont pleurer. »

Le fils Mitry est en permission. Il parle peu. Il ne sourit plus. Il est tout absorbé. Dès l’arrivée, son bonheur est gâté par le départ. Il dit des choses simples, pleines et terribles : « On marche à l’assaut pour faire comme ses deux voisins, et pour ne pas leur sembler lâche ». Il dit l’impopularité de Poincaré, parfois sévèrement accueilli au front. Il m’a montré le couteau de tranchée, une arme qu’on a distribuée aux troupes depuis un an. C’est un couteau à virole, un couteau d’égorgeur, du modèle qu’on voit dans les musées criminels de la police. Sur la lame du sien, le fabricant a gravé : « Le vengeur de 1870. »