Page:Michel Corday - Les Hauts Fourneaux, 1922.djvu/296

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pas résisté. J’ai sauté dans un taxi. Je voulais simplement le revoir, de loin, sans me montrer. Cachée dans la foule, je l’ai guetté. Oh ! Cette attente… Des permissionnaires repartaient, s’éloignaient sur les quais. Et des femmes, séparées d’eux par une barrière, hissaient au bout de leurs bras dressés leur petit enfant, au-dessus des têtes, pour permettre à ces hommes de le voir encore, le plus longtemps possible. Sur un banc, un sergent et sa compagne, mains liées, absents du monde. Puis, un tout jeune officier et son père. René ? Non. Oh ! La vision de ces deux hommes qui ne parvenaient pas à se séparer, qui s’embrassaient, qui se quittaient, qui s’étreignaient encore… Toutes ces brisures, ces arrachements, ces tendresses qu’on coupe, qu’on déchire, qu’on opère… Tant d’amours ne peuvent donc pas triompher de la haine ?

Je n’ai pas vu passer René.

FIN