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LES « HAUTS FOURNEAUX »

Il campait joliment la scène en quatre traits et, soucieux, en bon sceptique, de voiler son émotion, il commentait : « C’était rigolo, c’était rigolo. »

Briand, c’est mon faible. Je sais bien qu’il a évolué, qu’il est loin de ses origines politiques, et que cette inconstance devrait me déplaire, à moi qui me flatte d’être fidèle. Mais il n’est pas le seul qui se soit hissé jusqu’au pouvoir sur les épaules populaires. Et puis, il y a la manière, il y a le tour. L’un se poussait avec une lourdeur brutale d’hercule forain, l’autre avec une mollesse d’acrobate en espadrilles. Lui s’est enlevé avec une grâce aérienne de gymnaste. Un de nos amis, un grand penseur, lui reproche aussi « de mépriser l’humanité sans tristesse ». Non. Il ne la méprise pas. Il la prise à sa valeur, qui n’est pas haute, en moyenne. S’il la regarde sans tristesse, c’est qu’il en dégage instantanément le sens comique. Telle il la voit, telle il la montre, dans l’abandon de la causerie. Et le secret de son charme réside peut-être dans cette ironie savoureuse, indulgente, spirituelle, presque gamine, qui n’épargne rien, pas même sa propre personne. À l’entendre ainsi, on prend un plaisir plein, presque physique, et l’on conçoit que l’esprit soit le sel de sa vie.