Page:Michel Corday - Les Hauts Fourneaux, 1922.djvu/96

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brillante du Rhin, la Terre promise, puis le bombardement des ateliers, d’où s’étaient bientôt élevées de grandes fumées jaunes.

Je regardais René. Il écoutait, tendu, avide, heureux. Devant moi s’évoquaient les victimes possibles, la cruauté du geste qui déclenchait la mort. Lui ne voyait que l’exploit et n’admirait que le héros.

Nous ne pensons pas à l’unisson, lui et moi. Je m’en aperçois chaque jour davantage. Dans la langueur de sa convalescence, dans nos longs tête-à-tête, je pouvais me le dissimuler. Depuis qu’il se mêle pleinement à notre vie, je vois bien qu’il vibre et qu’il sent comme la plupart de ceux qui nous entourent.

Cela me fait mal et cela me fait peur.

Certes, il n’étale pas le chauvinisme épileptique d’un Villequier, le patito de Madeleine Delaplane, qui, pour un insigne, un bruit militaire, pour un emblème patriotique, tombe en crise ; qui vit l’écume à la bouche et roulant hors la tête des yeux de crustacé ; qui jouit, au sens strict du mot, de la guerre ; qui la proclame belle et l’exige éternelle ; et qui ne conçoit même pas tout ce qu’il y a d’abominable et d’odieux à jeter, du fond d’un bon fauteuil, les autres à la souffrance et à la mort.