Page:Michelet - Œuvres complètes Vico.djvu/183

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flotte à travers les orages moraux qu’élève le hasard d’Épicure, ou se laisse lier et fixer par la nécessite cartésienne. Pour régler la fortune, pour modérer le pouvoir de la nécessité, il faudrait tous les efforts d’un sage éclectisme. Aussi les hommes n’y songent-ils point. Pour que les livres plaisent, il faut, comme les habits, qu’ils soient conformes à la mode ; et le mien explique l’homme social d’après ses caractères éternels… Ce serait un sujet digne d’occuper un homme bien au courant des affaires de la république des lettres, que les causes secrètes et bizarres qui ont fait le succès des livres. Gassendi trouva le public amolli par la lecture des romans, et comme énervé par une morale complaisante, et il s’entendit proclamer de son vivant le restaurateur de la philosophie, pour avoir fait du sens individuel le critérium du vrai, et placé le bonheur de l’homme dans les plaisirs du corps. — La morale chrétienne avait pris en France une rigidité particulière, en haine du probabilisme. Dans le nord voisin de la France et dans une grande partie de l’Allemagne, le sens individuel s’était fait lui-même la règle divine de toute croyance. Descartes saisit l’occasion de mettre à profit ses admirables talents et ses études profondes, et il nous donna une métaphysique soumise à la nécessité ; il établit pour règle du vrai l’idée qui nous vient de Dieu, sans jamais la définir ; ce qui fait qu’entre les cartésiens eux-mêmes l’idée claire et distincte pour l’un est souvent pour l’autre obscure et confuse. Par là Descartes obtint de son vivant le renom du plus grand des philosophes. C’est ce qui devait arriver dans un siècle de légèreté dédaigneuse où l’on veut paraître éclairé sans étude, et par un don de la