la science humaine comme de la chimie. De même que celle-ci, en poursuivant un but frivole, a enfanté, sans le vouloir, un art très utile à l’humanité, de même la curiosité humaine, en s’attachant à la recherche d’un vrai qui lui est interdit, a produit deux sciences très utiles à la société : l’arithmétique et la géométrie, qui lui ont donné à leur tour la mécanique, la mère de tous les arts nécessaires à l’espèce humaine. La science humaine est donc née du défaut de l’esprit humain, qui, dans son extrême limitation, reste en dehors de toutes choses, ne contient rien de ce qu’il veut connaître, et par conséquent ne peut faire la vérité à laquelle il aspire. Les sciences les plus certaines sont celles qui expient le vice de leur origine, et s’assimilent comme création à la science divine, c’est-à-dire celles où le vrai et le fait sont mutuellement convertibles.
De tout ce qui précède on peut conclure que le criterium du vrai, et la règle pour le reconnaître, c’est de l’avoir fait ; par conséquent, l’idée claire et distincte que nous avons de notre esprit n’est pas un criterium du vrai, et elle n’est pas même un criterium de notre esprit ; car en se connaissant, l’âme ne se fait point, et puisqu’elle ne se fait point, elle ne sait pas la manière dont elle se connaît. Comme la science humaine a pour base l’abstraction, les sciences sont d’autant moins certaines qu’elles sont plus engagées dans la matière corporelle. Ainsi la mécanique est moins certaine que la géométrie et l’arithmétique, parce qu’elle considère le mouvement, mais réalisé dans des machines ; la physique est moins certaine que la mécanique, parce que la mécanique considère