beaucoup de discussions très ingénieuses aux plus subtils métaphysiciens de ce siècle. Mais si Malebranche, cet esprit si pénétrant, tient cette doctrine pour bonne, je m’étonne qu’il s’accorde avec Descartes sur la vérité première : Je pense, donc je suis ; puisque d’après ce dogme, que Dieu crée les idées en moi, il devrait plutôt dire : Quelque chose pense en moi ; donc ce quelque chose est ; or, dans la pensée je ne reconnais aucune idée de corps ; donc ce qui pense en moi est le plus pur esprit, c’est-à-dire Dieu. Ou peut-être l’âme est faite de telle sorte qu’une fois parvenue en partant de l’indubitable à la connaissance de Dieu, très bon, très grand, elle reconnaît pour faux cela même qu’elle avait cru hors de doute. Par suite, et en général, toutes les idées sur les créatures seraient comme fausses relativement à l’idée de l’Être suprême ; parce qu’elles ont pour objets des choses qui, comparées à Dieu, ne semblent plus fondées sur le vrai, tandis que Dieu seul est l’objet d’une idée vraie, étant seul selon le vrai. En sorte que Malebranche, s’il eût voulu être conséquent dans sa doctrine, aurait dû enseigner que l’esprit humain (mens) reçoit de Dieu non seulement la connaissance du corps auquel cet esprit est lié, mais la connaissance de soi-même ; en sorte qu’il ne se pourrait connaître lui-même, s’il ne se connaissait en Dieu. En effet l’esprit se manifeste en pensant ; or, Dieu pense en moi ; donc je connais en Dieu mon propre esprit. Telle devrait être la doctrine de Malebranche pour être conséquente à elle-même. Pour nous, ce que nous admettons, c’est que Dieu est le premier auteur de tous les mouvements, soit des corps, soit des âmes.
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