Page:Michelet - Œuvres complètes Vico.djvu/35

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nation, les difficultés disparaissent, les contradictions s’expliquent ; une clarté immense luit dans la ténébreuse antiquité.

Prenons Homère, et voyons comment toutes les invraisemblances de sa vie et de son caractère deviennent, par cette interprétation, des convenances, des nécessités. Pourquoi tous les peuples grecs se sont-ils disputé sa naissance, l’ont-ils revendiqué pour citoyen ? C’est que chaque tribu retrouvait en lui son caractère, c’est que la Grèce s’y reconnaissait, c’est qu’elle était elle-même Homère. — Pourquoi des opinions si diverses sur le temps où il vécut ? c’est qu’il vécut en effet pendant les cinq siècles qui suivirent la guerre de Troie, dans la bouche et dans la mémoire des hommes. — Jeune, il composa l’Iliade… La Grèce, jeune alors, toute ardente de passions sublimes, violente, mais généreuse, fit son héros d’Achille, le héros de la force. Dans sa vieillesse il composa l’Odyssée… La Grèce plus mûre, conçut longtemps après le caractère d’Ulysse, le héros de la sagesse. — Homère fut pauvre et aveugle… dans la personne des rapsodes, qui recueillaient les chants populaires, et les allaient répétant de ville en ville, tantôt sur les places publiques, tantôt dans les fêtes des dieux. Alors, comme aujourd’hui, les aveugles devaient mener le plus souvent cette vie mendiante et vagabonde ; d’ailleurs la supériorité de leur mémoire les rendait plus capables de retenir tant de milliers de vers.

Homère n’étant plus un homme, mais désignant l’ensemble des chants improvisés par tout le peuple et recueillis par les rapsodes, se trouve justifié de tous les reproches qu’on lui a faits, et de la bassesse