quelque éloignées qu’elles soient de temps ou de lieu ; elles sont fidèles à trois coutumes humaines : toutes ont une religion quelconque, toutes contractent des mariages solennels, toutes ensevelissent leurs morts. Chez les nations les plus sauvages et les plus barbares, nul acte de la vie n’est entouré de cérémonies plus augustes, de solennités plus saintes, que ceux qui ont rapport à la religion, aux mariages, aux sépultures. Si des idées uniformes chez des peuples inconnus entre eux doivent avoir un principe commun de vérité, Dieu a sans doute enseigné aux nations que partout la civilisation avait eu cette triple base, et qu’elles devaient à ces trois institutions une fidélité religieuse, de peur que le monde ne redevînt sauvage et ne se couvrît de nouvelles forêts. C’est pourquoi nous avons pris ces trois coutumes éternelles et universelles pour les trois premiers principes de la science nouvelle.
I. Qu’on n’oppose point au premier de nos principes le témoignage de quelques voyageurs modernes, selon lesquels les Cafres, les Brésiliens, quelques peuples des Antilles et d’autres parties du Nouveau-Monde, vivent en société sans avoir aucune connaissance de Dieu[1]. Ce sont nouvelles de voyageurs, qui, pour faciliter le débit de leurs livres, les remplissent de récits monstrueux. Toutes les nations ont cru un Dieu, une
- ↑ Bayle a sans doute été trompé par leurs rapports lorsqu’il affirme, dans le Traité de la Comète, que les peuples peuvent vivre dans la justice sans avoir besoin de la lumière de Dieu. Avant lui, Polybe avait dit : Si les hommes étaient philosophes, il n’y aurait plus besoin de religion. Mais s’il n’existait point de société, y aurait-il des philosophes ? Or, sans les religions, point de société. (Vico.)
Les trois dernières lignes sont tirées du second corollaire de l’axiome 31.