Page:Michelet - Œuvres complètes Vico.djvu/403

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fut mental ; aussi logos signifie idée et parole. Une telle langue convenait à des âges religieux (les religions veulent être révérées en silence, et non pas raisonnées). Elle dut commencer par des signes, des gestes, des indications matérielles dans un rapport naturel avec les idées : aussi logos, parole, eut en outre chez les Hébreux le sens d’action, chez les Grecs celui de chose, Muthos a été aussi défini un récit véritable, un langage véritable[1]. Par véritable, il ne faut pas entendre ici conforme à la nature des choses, comme dut l’être la langue sainte enseignée à Adam par Dieu même.

La première langue que les hommes se firent eux-mêmes fut toute d’imagination, et eut pour signes les substances mêmes qu’elle animait et que le plus souvent elle divinisait. Ainsi Jupiter, Gybèle, Neptune, étaient simplement le ciel, la terre, la mer, que les premiers hommes, muets encore, exprimaient en les montrant du doigt, et qu’ils imaginaient comme des êtres animés, comme des dieux ; avec les noms de ces trois divinités ils exprimaient toutes les choses relatives au ciel, à la terre, à la mer. Il en était de même des autres dieux : ils rapportaient toutes les fleurs à Flore, tous les fruits à Pomone.

Nous suivons encore une marche analogue à celle de ces premiers hommes ; mais c’est à l’égard des choses intellectuelles, telles que les facultés de l’âme, les passions, les vertus, les vices, les sciences, les arts ; nous nous en formons ordinairement l’idée

  1. C’est cette langue naturelle que les hommes ont parlée autrefois, selon Platon et Jamblique. Platon a deviné plutôt que découvert cette vérité. De là l’inutilité de ses recherches dans le Cratyle, de là les attaques d’Aristote et de Galien. (Vico.)