Pour établir ces principes sur une base plus solide encore, nous devons attaquer l’opinion selon laquelle les hiéroglyphes auraient été inventés par les philosophes, pour y cacher les mystères d’une sagesse profonde, comme on l’a cru des Égyptiens. Ce fut pour toutes les premières nations une nécessité naturelle de s’exprimer en hiéroglyphes. À ceux des Égyptiens et des Éthiopiens nous croyons pouvoir joindre les caractères magiques des Chaldéens ; les cinq présents, les
l’autre, et que les mots nom et nature eurent la même signification, comme
nous l’avons dit plus haut.
Ces armoiries, ces armes et emblèmes des familles furent employés au
moyen âge, lorsque les nations, redevenues muettes, perdirent l’usage du
langage vulgaire. Il ne nous reste aucune connaissance des langues que
parlaient alors les Italiens, les Français, les Espagnols et les autres nations de
ce temps. Les prêtres seuls savaient le latin et le grec. En français, clerc
voulait dire souvent lettré ; au contraire, chez les Italiens, laico se disait
pour illettré, comme on le voit dans un beau passage de Dante. Parmi les
prêtres mêmes, il y avait tant d’ignorance, qu’on trouve des actes souscrits
par des évêques, où ils ont mis simplement la marque d’une croix, faute de
savoir écrire leur nom. Parmi les prélats instruits, il y en avait même peu
qui sussent écrire. Le Père Mabillon, dans son ouvrage de Re diplomatica,
a pris le soin de reproduire par la gravure les signatures apposées par des
évêques et des archevêques aux actes des Conciles de ces temps barbares ;
l’écriture en est plus informe que celle des hommes les plus ignorants
d’aujourd’hui ; et pourtant ces prélats étaient les chanceliers des royaumes
chrétiens, comme aujourd’hui encore les trois évêques archichanceliers de
l’Empire pour les langues allemande, française et italienne. Une loi anglaise
accorde la vie au coupable digne de mort qui pourra prouver qu’il sait lire.
C’est peut-être pour cette cause que plus tard le mot lettré a fini par avoir
à peu près le même sens que celui de savant. — Il est encore résulté de cette
ignorance de l’écriture que, dans les anciennes maisons, il n’y a guère de murs
où l’on n’ait gravé quelque figure, quelque emblème.
Concluons de tout ceci que ces signes divers, employés nécessairement
par les nations muettes encore, pour assurer la distinction des propriétés,
furent ensuite appliqués aux usages publics, soit à ceux de la paix (d’où
provinrent les médailles), soit à ceux de la guerre. Dans ce dernier cas, ils
ont l’usage primitif des hiéroglyphes, puisqu’ordinairement les guerres ont
lieu entre des nations qui parlent des langues différentes et qui par conséquent sont muettes l’une par rapport à l’autre. (Vico.)