Page:Michelet - Œuvres complètes Vico.djvu/46

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Quand ce remède est impuissant, il en vient inévitablement du dehors un autre plus efficace. Le peuple corrompu était esclave de ses passions effrénées ; il devient esclave d’une nation meilleure qui le soumet par les armes, et le sauve en le soumettant. Car ce sont deux lois naturelles : Qui ne peut se gouverner, obéira, — et, Au meilleur l’empire du monde.

Que si un peuple n’était secouru dans ce misérable état de dépravation ni par la monarchie ni par la conquête, alors au dernier des maux il faudrait bien que la Providence appliquât le dernier des remèdes. Tous les individus de ce peuple se sont isolés dans l’intérêt privé ; on n’en trouvera pas deux qui s’accordent, chacun suivant son plaisir ou son caprice. Cent fois plus barbares dans cette dernière période de la civilisation qu’ils ne l’étaient dans son enfance ! la première barbarie était de nature, la seconde est de réflexion ; celle-là était féroce, mais généreuse ; un ennemi pouvait fuir ou se défendre ; celle-ci, non moins cruelle, est lâche et perfide ; c’est en embrassant qu’elle aime à frapper. Aussi ne vous y trompez pas ; vous voyez une foule de corps, mais si vous cherchez des âmes humaines, la solitude est profonde ; ce ne sont plus que des bêtes sauvages.

Qu’elle périsse donc cette société par la fureur des factions, par l’acharnement désespéré des guerres civiles ; que les cités redeviennent forêts, que les forêts soient encore le repaire des hommes, et qu’à force de siècles leur ingénieuse malice, leur subtilité perverse disparaissent sous la rouille de la barbarie. Alors, stupides, abrutis, insensibles aux raffinements qui les avaient corrompus, ils ne connaissent plus que