Page:Michelet - Œuvres complètes Vico.djvu/479

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Grecs[1], répondent chez les Latins aux dix ans du siège de Veies ; c’est un nombre fini pour le nombre infini des années antérieures, pendant lesquelles les cités avaient exercé entre elles de continuelles hostilités.

Les guerres éternelles des cités anciennes, leur éloignement pour former des ligues et des confédérations, nous expliquent pourquoi l’Espagne fut soumise par les Romains ; l’Espagne dont César avouait que partout ailleurs il avait combattu pour l’empire, là seulement pour la vie ; l’Espagne, que Cicéron proclamait la mère des plus belliqueuses nations du monde. La résistance de Sagonte, arrêtant pendant huit mois la même armée qui, après tant de pertes et de fatigues, faillit triompher de Rome elle-même dans son Capitole, la résistance de Numance, qui fit trembler les vainqueurs de Carthage, et ne put être réduite que par la sagesse et l’héroïsme du triomphateur de l’Afrique, n’étaient-elles pas d’assez grandes leçons pour que cette nation généreuse unît toutes ses cités dans une même confédération, et fixât l’empire du monde sur les bords du Tage ? Il n’en fut point ainsi : l’Espagne mérita le déplorable éloge de Florus : Sola omnium provinciarum vires suas, postquani victa est, intellexit. Tacite fait la même remarque sur les Bretons, que son Agricola

  1. Il est à croire qu’au temps de la guerre de Troie le nom de Akhaioi, Achivi, était restreint à une partie du peuple grec, qui fit cette guerre ; mais ce nom s’étant étendu à toute la nation, on dit au temps d’Homère que toute la Grèce s’était liguée contre Troie. Ainsi nous voyons dans Tacite que le nom de Germanie, étendu depuis à une vaste contrée de l’Europe, n’avait désigné originairement qu’une tribu qui, passant le Rhin, chassa les Gaulois de ses bords ; la gloire de cette conquête fit adopter ce nom par toute la Germanie, comme la gloire du siège de Troie avait fait adopter celui d' Achivi par tous les Grecs. (Vico.)