Page:Michelet - Œuvres complètes Vico.djvu/578

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sacrifices, comme d’un terme consacré. Les Espagnols en ont tiré leur matar, et les Italiens leur ammazzare. Nous avons déjà vu que chez les Grecs, ara signifiait la chose ou la personne qui porte dommage, le vœu ou action de dévouer, et la furie à laquelle on dévouait ; chez les Latins, ara signifiait l’autel et la victime. Ainsi toutes les nations eurent toujours une espèce d’excommunication. César nous a laissé beaucoup de détails sur celle qui avait lieu chez les Gaulois. Les Romains eurent leur interdiction de l’eau et du feu. Plusieurs consécrations de ce genre passèrent dans la loi des Douze Tables : quiconque violait la personne d’un tribun du peuple était dévoué, consacré à Jupiter ; le fils dénaturé, aux dieux paternels ; à Cérès, celui qui avait mis le feu à la moisson de son voisin ; ce dernier était brûlé vif. Rappelons-nous ici ce qui a été dit de l’atrocité des peines dans l’âge divin (axiome 40). Les hommes ainsi dévoués furent sans doute ce que Plante appelle Saturni hostiæ.

On trouve le caractère tout religieux de ces jugements privés dans les guerres qu’on appelait pura et pia bella. Les peuples y combattaient pro aris et focis, expression qui désignait tout l’ensemble des rapports sociaux, puisque toutes les choses humaines étaient considérées comme divines. Les hérauts qui déclaraient la guerre appelaient les dieux de la cité ennemie hors de ses murs, et dévouaient le peuple attaqué. Les rois vaincus étaient présentés au Capitole à Jupiter Férétrien, et ensuite immolés. Les vaincus étaient considérés comme des hommes sans Dieu ; aussi les esclaves s’appelaient en latin mancipia, comme choses