Page:Michelet - Œuvres complètes Vico.djvu/639

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posée de souverains solitaires sous le gouvernement d’un être très bon et très puissant, optimus maximus. Excités ensuite par les plus puissants aiguillons d’une passion brutale, et retenus par les craintes superstitieuses que leur donnait toujours l’aspect du ciel ; ils commencèrent à réprimer l’impétuosité de leurs désirs et à faire usage de la liberté humaine. Ils retinrent par force dans leurs cavernes des femmes, dont ils firent les compagnes de leur vie. Avec ces premières unions humaines, c’est-à-dire conformes à la pudeur et à la religion, commencèrent les mariages qui déterminèrent les rapports d’époux, de fils et de pères. Ainsi ils fondèrent les familles, et les gouvernèrent avec la dureté des Cyclopes dont parle Homère ; la dureté de ce premier gouvernement était nécessaire, pour que les hommes se trouvassent préparés au gouvernement civil, lorsque s’élèveraient les cités. La première république se trouve donc dans la famille ; la forme en est monarchique, puisqu’elle est soumise aux pères de famille, qui avaient la supériorité du sexe, de l’âge et de la vertu.

Aussi vaillants que chastes et pieux, ils ne fuyaient plus comme auparavant ; mais, fixant leurs habitations, ils se défendaient, eux et les leurs, tuaient les bêtes sauvages qui infestaient leurs champs, et au lieu d’errer pour trouver leur pâture, ils soutenaient leur famille en cultivant la terre ; toutes choses qui assurèrent le salut du genre humain. Au bout d’un long temps, ceux qui étaient restés dans les plaines sentirent les maux attachés à la communauté des biens et des femmes, et vinrent se réfugier dans les asiles ouverts par les pères de famille. Ceux-ci les recevant sous leur protection,