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COMME JADIS…

— Au temps de votre père, elle était le refuge où le nouveau colon trouvait, avec un bon conseil, le réconfort d’un intérieur canadien.

— Que voulez-vous dire, Père ? Pour les fêtes nous avons eu deux veillées, ici.

— Oui, vous ne fermez pas votre porte à qui veut la forcer.

— Mais, Père, bien que je considère les Mourier, ainsi que chacun à Lavernes, comme des membres de ma famille, ma situation d’orpheline…

— Voilà où je voulais en venir : votre situation d’orpheline, d’orpheline de vingt-quatre ans, devrait vous amener à regarder l’avenir sérieusement.

— Oh ! Père, je sais maintenant ce que vous allez me dire. Accordez-moi encore un peu de temps…

— Ce n’est pas la première fois que nous abordons ce sujet… Vous vous souvenez que votre père, ayant le pressentiment de sa fin prochaine, vous a parlé un jour devant moi, manifestant le désir que j’exerce sur vous, jusqu’à votre mariage, une tutelle morale… Et puis, il y a mon devoir de pasteur. Ma chère petite, vous savez qu’un autre que moi aurait été, depuis longtemps, plus pressant. Vous n’êtes pas appelée à une vie religieuse ; alors, alors, il faut suivre les traditions de votre race… Minnie, un de mes confrères canadiens vous le dirait avec plus d’autorité. Vous êtes une vraie Canadienne, une Canadienne de la bonne souche…

Le cher Père Chassaing s’aperçut que je pleurais tout doucement.