Page:Michelet - Comme jadis, 1925.djvu/181

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
181
COMME JADIS…

ger mes yeux, je repoussais du bout des doigts mes cheveux qui sortaient en touffes de mon béret de laine…

Tout à coup, l’idée m’est venue que vous pouviez surgir au détour du boqueteau et, vrai, j’ai vu votre grimace en découvrant, telle qu’elle était faite, la petite cousine. C’était tellement drôle à imaginer, ce cousin artiste et raffiné, en présence de cette petite sauvagesse, rouge de visage plus qu’une indienne authentique, peinte en couleur de guerre par ses gants charbonnés, semblant mimer, dépeignée, une étrange danse du feu ; c’était drôle au point que j’ai éclaté d’un rire fou, impossible à réprimer, se mêlant au crépitement frénétique d’un paquet de branches jeté dans les flammes.

Mourier ne pouvait que s’inquiéter de cette gaieté insolite. On connaît sur la prairie de sombres histoires de folie subite provoquée par le froid, par l’isolement. J’en sais qui vous feraient frémir. Le reflet de telles tragédies a passé dans ses yeux. J’ai tenté de le rassurer du geste. Bon gré, mal gré, il m’a laissée à mon rire et s’en est allé reprendre sa hache. Sur le chemin du retour, j’avais encore des spasmes qui le faisaient grommeler.

En entrant dans ma chambre, je suis allée tout droit au miroir. Ah ! j’étais bien plus déguisée que je ne le croyais… Non, vous n’aurez pas la description ! Si vous arrivez un jour où « nous ferons de la terre », vous aurez sûrement une surprise à faire la connaissance de votre cousine, Minnie.