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COMME JADIS…

trouver au bord de ma narine l’odeur du bois craquelant, odeur faite de l’amertume des écorces, de la sève bouillante, des racines de saules au parfum rare. Je reverrais les jeux des petites flammes claires qui lèchent les bords du bûcher et changent de teinte suivant les essences qu’elles consument ; je contemplerais ces flammes toujours plus longues, plus souples, détendues tout à coup en un tourbillon de fumée que le vent emporte, et qui s’accroche aux branches du fourré restées debout. Je reverrais les langues étroites, furtives, « du feu qui court », et s’en irait incendier la forêt, s’il ne rencontrait, sous une touffe d’herbe sèche, la poignée de neige en cristaux… Faire brûler, c’est une ivresse. Cet après-midi, j’ai fait brûler avec passion ! Mourier multipliait ses recommandations.

— Pas si près, Minnie, vous allez vous mettre le feu… Attention à la fumée, vous vous asphyxierez bien certain… Et votre robe qui vole !…

— Le costume de Jack serait sûrement plus commode !…

Je traînais des branches qui s’agrippaient vainement aux broussailles, comme des condamnées qui voudraient échapper au supplice ; je ramassais des tisons à demi éteints pour les rejeter au milieu du brasier. Bien qu’il n’y eût pas de danger à cause de la neige, je surveillais « les feux qui courent ». Les joues me brûlaient ; de temps à autre, j’y portais le revers frais de ma main gantée ; pour déga-