Page:Michelet - Comme jadis, 1925.djvu/101

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
101
COMME JADIS…

Comment avez-vous pu vous séparer de la chère relique ? Ah ! je vous jure qu’aucun ciseau profanateur ne tranchera un fil de soie !

D’abord, j’ai ouvert votre enveloppe tout de suite reconnue parmi le paquet de journaux, de réclames et de lettres que Mourier avait jeté sur la table, et je me suis inquiétée.

— Il y avait un colis ?

— C’est vrai, je l’ai oublié dans le sleigh.

Quand j’ai eu entre les mains la boîte brune écrasée par les tampons de la poste, je me suis sentie pénétrée d’une émotion religieuse. J’ai compris l’émoi du chercheur lorsque sa pioche sonne d’étrange façon. Je suis montée chez moi. Mes doigts tremblaient, je n’arrivais pas à dénouer les ficelles. Avec quel amour vous l’avez enveloppée la robe de l’ancêtre ! Aux soins pieux des papiers de soie, des étroites faveurs mauves, je vous ai senti communier à mon culte.

Pendant que je vous écris ces quelques lignes, je me retourne de temps à autre pour admirer, pour sourire aux falbalas étalés sur mon lit. Ils bouffent, ils ondulent ; on dirait qu’ils ont conservé la forme du corps de celle qui les anima…

Mon cousin, que je ne connais pas, quelle joie rare vous avez donnée à une pauvre petite sauvagesse ! Dites-moi quel bonheur je dois demander à Dieu pour vous. Je veux le prier qu’il vous guérisse, qu’il vous redonne le goût de vivre.