Aller au contenu

Page:Michelet - Comme jadis, 1925.djvu/151

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
151
COMME JADIS…

— Gérard de Noulaine.

— Marthe Leray, se nomma elle-même la jeune fille dont je distinguais mal les traits.

— Étudiante en médecine, précisa Maignan.

— L’étalage de mes titres est-il nécessaire ? demanda-t-elle en riant.

Je la devinai jeune, très gaie, aux inflexions de sa voix et de son rire.

— J’en connais déjà quelques-uns, dis-je en souriant.

— Vraiment ? Alors vous savez que je suis une affreuse libre-penseuse, que votre ami déteste ? C’est tout juste s’il consent à me confier quelques pauvres malades !

— Vous avez toute l’estime de Maignan, Mademoiselle.

— Oh ! je sais. Il vous a dit : « C’est une sainte laïque… » Le pire compliment qui me puisse venir de lui.

La sombre rue s’égaya de son rire clair.

— Mais laissons cela. Je veux vous dire, Monsieur, quelles deux heures charmantes vous m’avez fait passer. Ce Canada immense, c’est toute une révélation. Je vis ma vie de tous les jours, dans l’étroitesse de ce quartier que je n’ai même pas à quitter pour me rendre à l’hôpital. Ce fut une échappée, une lumineuse échappée… Vous avez parlé en poète. On m’avait dit d’ailleurs que vous l’étiez.