chauds de sang vermeil. Les grands trembles encore dénudés, fleurissaient leur tronc d’une impalpable poussière grise qui, à distance, prenait une teinte verdâtre ; sur tous les arbustes anonymes pour moi, partout, comme attestation de survie aux rigueurs du froid, se balançaient des pampilles brunes, grises, vertes, à peine défripées.
Nous avons quitté « le trail » pour suivre la piste étroite battue par le troupeau qui, aux jours doux de l’hiver, s’en allait aux meules de paille lentement ou en gambadant, mais toujours, selon la loi des bêtes de la Prairie, à la file indienne.
Nous sommes au cœur même de la culture. Çà et là, un boqueteau de saules surmontés de quelques têtes de trembles grêles, détruit l’harmonie d’une étendue qui pourrait former un champ uniforme. C’est à l’un de ces bouquets d’un demi-acre que nous devons nous attaquer. Clignant de l’œil, Mourier établit ses plans, puis, d’un geste de l’épaule, il fait glisser son paletot de « corduroy » doublé de peau de mouton.
— On va lui dire deux mots, à « la talle ». M’est avis, Mam’zelle Lavernes, qu’il vous faudrait un Canadien. Un fils Labbé vous mettrait ça en bas en moins de trois jours !
Je savais d’avance qu’il me ferait cette remarque, comme il s’attendait sans doute à ma réponse qui vanterait les qualités de Mourier et du fils Labbé, travailleurs soigneux et endurants.