Avant mon départ, je veux, secondée par Henriette, faire la toilette de notre maison. La trouverez-vous laide même sous son badigeon neuf ! Je vous l’ai dit vingt fois, elle est en bois, en troncs d’arbres équarris. Elle ne ressemble en rien à l’un de ces coquets chalets suisses que représentent les gravures. Si elle n’a pas pour vous la physionomie que je lui trouve, elle ne vous sera pas sympathique avec ses châssis irréguliers, sa vérandah aux colonnes frustes de jeunes épinettes, son toit de bardeaux roux la coiffant très bas. Et l’intérieur ! Point de chêne noirci, pas même de ces vieux meubles paysans comme on en lit la description dans vos romans de terroir. À l’exception de l’organ, presque tout ici est l’œuvre de mon père et de Mourier. Henriette fait régner une propreté méticuleuse, c’est notre seul luxe — j’oublie nos pelleteries, les dépouilles d’ours, de castors, de lynx, de renards que mon père tanna lui-même et qui représentent une petite fortune ; enfin, nos livres alignés sur des planches que je viens de cirer.
Je crains que vous n’aimiez pas l’odeur aromatique du bois et l’odeur fauve des fourrures… Ma bonne Mourier me rassure, m’affirme que vous trouverez le logis original, que les lys rouges que nous mettrons partout répandront un parfum suave inconnu à votre odorat, et qu’il faudrait n’être pas artiste pour nier la beauté d’un certain divan fait d’une peau d’ours blanc, et qui tient