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COMME JADIS…

Les batteurs sont arrivés après que nous désespérions de les voir venir avant la neige. Dix fois, mon pauvre vieux Mourier était monté à cheval pour les rejoindre « sur » les Labbé, les Trudel, les Rivet. « Le boss » était absent ; « le foreman » prétendait n’avoir pas reçu d’ordre pour continuer dans une direction opposée. Et la nue bleue, noire, sinistre, gonflée de neige, s’étendait basse, menaçante, au sommet de la Butte du Cheval blanc. Battre en temps de neige, nous en étions effrayés !

Hier matin, lorsque Mourier est entré en coup de vent :

— Les voilà.

Nous n’avons pas demandé : « Qui ? »

Bien entendu, nous n’étions pas prêts à les recevoir à table : dix-huit à vingt bouches. Heureusement les hommes avaient déjeuné avant de venir ici. Pendant que Mourier veillait à l’installation de la machine et du séparateur entre la double file de meulons, j’attelai le boggey et je partis pour le magasin.

En temps de battage, il arrive qu’un fermier « fasse boucherie ». Après que les voisins ont fait leur choix de viande, le restant est porté au magasin. En effet, j’eus la chance de trouver la glacière de M. Valiquette bien garnie. Je fis placer un énorme quartier de viande juteuse dans le caisson de la voiture. J’achetai encore une caisse de pommes sèches pour les traditionnelles tartes, un