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COMME JADIS…

— Eh bien, il faut apprendre à lire, afin de connaître ton catéchisme et tu feras ta première communion à Pâques.

Je restai une minute étourdie.

— Nanine ne sait pas lire. Qui me montrera ?

— Moi.

Je n’en croyais pas mes oreilles.

— Mais, papa, vous serez dans le Nord, cet hiver.

— Non, pas cet hiver. Et aussitôt il ajouta : le Père permet que tu retournes jouer. Va petite.

Ce fut le point de départ du grand changement de notre genre de vie.

Il me sembla que l’hiver arrivait plus vite que de coutume. Les préparatifs du voyage pour Edmonton, les surprises joyeuses du retour me manquèrent. Cependant mon père ne faisait que de courtes stations à la maison. On poussait activement les travaux de construction de l’église. L’espoir de tous était de célébrer Noël dans la nouvelle petite étable canadienne. Je rêvais de cette église. J’accablai Nanine de questions. Était-ce très haut, très grand, une église ? Plus haut qu’une épinette ? Dix fois plus grand que notre maison ? Nous demeurions à cinquante milles de la Mission ; je n’avais vu d’église que dans les livres que mon père me permettait de feuilleter. Ces images alimentaient dangereusement mon imagination.

Comment ne fus-je pas déçue la nuit de Noël,