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COMME JADIS…

voir. Je me rendis compte que ce que je prenais pour une coiffure bizarre, éclatante à distance, était ses cheveux. Des cheveux abondants, rutilants, qui coulaient le long de ses joues crémeuses, rondes et fermes, pointillées d’or. La surprise fut si grande que je me troublai et n’osai l’aborder. J’attendis son retour, bien décidé à faire les quelques pas qui me mettraient au milieu de son chemin…

Je les fis. Elle s’arrêta sans paraître étonnée, leva vers les miens ses yeux sombres où se reflétait la couleur ardente de ses cheveux.

— C’est toi le petit garçon du château ? me demanda-t-elle. Ton papa n’habite pas avec toi… Pourquoi ne vas-tu pas au collège à Étampes ?…

Je subis passif, moi, garçonnet de onze ans, l’interrogatoire que voulut bien me faire subir cette petite fille de six ans. Nous nous quittâmes sur une promesse de camaraderie. Elle revint le lendemain, le surlendemain, chaque jour durant toutes les vacances. M. Maurane fit une courte visite à Noulaine pour remercier ma tante du pansement d’un bobo que s’était fait sa fille. Depuis ce jour nous retînmes Jacqueline pour le goûter. Tante se prit d’affection pour cette enfant sans mère, que son père idolâtrait à ses moments de loisirs, pour l’oublier ensuite pendant des journées entières. Il arriva que nous gardâmes Jacqueline durant l’absence d’une semaine que fit son père.