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LA GAULE SOUS L’EMPIRE. DÉCADENCE DE L’EMPIRE.

n’être qu’une philosophie, c’est le rendre moins puissant. Qu’eût servi le sec rationalisme des pélagiens, à l’approche de l’invasion germanique ? Ce n’était pas cette fière théorie de la liberté qu’il fallait prêcher aux conquérants de l’Empire, mais la dépendance de l’homme et la toute-puissance de Dieu.

Aussi le pélagianisme, accueilli d’abord avec faveur, et même par le pape de Rome, fut bientôt vaincu par la grâce. En vain il fit des concessions, et prit en Provence la forme adoucie du semi-pélagianisme, essayant d’accorder et de faire concourir la liberté humaine et la grâce divine[1]. Malgré la sainteté du Breton Faustus[2], évêque de Riez, malgré le renom des

  1. Le premier qui tenta cette conciliation difficile, ce fut le moine Jean Cassien, disciple de saint Jean-Chrysostome, et qui plaida près du pape pour le tirer d’exil. Il avança que le premier mouvement vers le bien partait du libre arbitre, et que la grâce venait ensuite l’éclairer et le soutenir ; il ne la crut pas, comme saint Augustin, gratuite et prévenante, mais seulement efficace. Il dédia un de ses livres à saint Honorat, qui avait, comme lui, visité la Grèce, et qui fonda Lérins, d’où devaient sortir les plus illustres défenseurs du semi-pélagianisme. La lutte s’engagea bientôt. Saint Prosper d’Aquitaine avait dénoncé à saint Augustin les écrits de Cassien, et tous deux s’étaient associés pour le combattre. Lérins leur opposa Vincent, et ce Faustus qui soutint contre Mamert Claudien la matérialité de l’âme, et qui écrivit, comme Cassien, contre Nestorius, etc. Arles et Marseille inclinaient au semi-pélagianisme. Le peuple d’Arles chassa son évéque, saint Héros, qui poursuivait Pélage, et choisit après lui saint Honorat ; à saint Honorat succède saint Hilaire, son parent, qui soutint comme lui les opinions de Cassien, et fut comme lui enterré à Lérins, etc. Gennadius écrivit au ixe siècle l’histoire du semi-pélagianisme.
  2. En 447, saint Hilaire d’Arles l’oblige de s’asseoir, quoique simple prêtre, entre deux saints évêques, ceux de Fréjus et de Riez.