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RÉCAPITULATION. — SYSTÈMES DIVERS.

ces modifications successives, par lesquels notre patrie va se transformant, c’est le sujet de l’histoire de France.

Ne nous exagérons donc ni l’élément primitif du génie celtique, ni les additions étrangères. Les Celtes y ont fait sans doute, Rome aussi, la Grèce aussi, les Germains encore. Mais qui a uni, fondu, dénaturé ces éléments, qui les a transmués, transfigurés, qui en a fait un corps, qui en a tiré notre France ? La France elle-même, par ce travail intérieur, par ce mystérieux enfantement mêlé de nécessité et de liberté, dont l’histoire doit rendre compte. Le gland primitif est peu de chose en comparaison du chêne gigantesque qui en est sorti. Qu’il s’enorgueillisse, le chêne vivant qui s’est cultivé, qui s’est fait et se fait lui-même !

Et d’abord, est-ce aux Grecs qu’on veut rapporter la civilisation primitive des Gaules ? On s’est évidemment exagéré l’influence de Marseille. Elle put introduire quelques mots grecs dans l’idiome celtique[1] ; les Gaulois, faute d’écriture nationale[2] purent dans les occa-

  1. M. Champollion-Figeac en a reconnu jusque dans le Dauphiné. — On retrouve à Marseille, sous forme chevaleresque, la tradition de la reconnaissance d’Ulysse et de Pénélope. — Naguère encore l’Église de Lyon suivait les rites de l’Église grecque. — Il paraît que les médailles celtiques, antérieures à la conquête romaine, offrent une grande ressemblance avec les monnaies macédoniennes. Caumont, Cours d’Antiq. monument., I, 219. — Tout cela ne me semble pas suffisant pour conclure que l’influence grecque ait modifié profondément, intimement, le génie gaulois. Je crois plutôt à l’analogie primitive des deux races qu’à l’influence des communications.
  2. Strabon.