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HISTOIRE DE FRANCE.

de la remarquer. « J’ai appris le latin, dit saint Augustin, sans crainte ni châtiment, au milieu des caresses, des sourires et des jeux de mes nourrices. » C’est justement la méthode dont se félicite Montaigne. Il paraît que l’acquisition de cette langue était ordinairement plus pénible ; autrement saint Augustin n’en ferait pas la remarque.

Que Martial se félicite de ce qu’à Vienne tout le monde avait son livre dans les mains ; que saint Jérôme écrive en latin à des dames gauloises, saint Hilaire et saint Avitus à leurs sœurs, Sulpice Sévère à sa belle-mère ; que Sidonius recommande aux femmes la lecture de saint Augustin, tout cela prouve uniquement, ce dont personne n’est tenté de douter, c’est que les gens distingués du midi des Gaules, surtout dans les colonies romaines, comme Lyon, Vienne, Narbonne, parlaient le latin de préférence.

Quant à la masse du peuple, je parle surtout des Gaulois du Nord, il est difficile de supposer que les Romains aient envahi la Gaule en assez grand nombre pour lui faire abandonner l’idiome national. Les règles judicieuses posées par M. Abel Rémusat nous apprennent qu’en général une langue étrangère se mêle à la langue indigène en proportion du nombre de ceux qui l’apportent dans le pays. On peut même ajouter, dans le cas particulier qui nous occupe ici, que les Romains, enfermés dans les villes ou dans les quartiers de leurs légions, doivent avoir eu peu de rapports avec les cultivateurs esclaves, avec les colons demi-serfs qui étaient dispersés dans les campagnes. Parmi les hommes même des villes, parmi les gens