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RÉCAPITULATION. — SYSTÈMES DIVERS.

L’Irlande ! pauvre vieille aînée de la race celtique, si loin de la France, sa sœur, qui ne peut la défendre à travers les flots ! L’Île des Saints[1], l’émeraude des mers, la toute féconde Irlande, où les hommes poussent comme l’herbe, pour l’effroi de l’Angleterre, à qui chaque jour on vient dire : Ils sont encore un million de plus ! la patrie des poètes, des penseurs hardis, de Jean l’Érigène, de Berkeley, de Tolland, la patrie de Moore, la patrie d’O’Connel ! peuple de parole éclatante et d’épée rapide, qui conserve encore dans cette vieillesse du monde la puissance poétique. Les Anglais peuvent rire quand ils entendent, dans quelque obscure maison de leurs villes, la veuve irlandaise improviser le coronach sur le corps de son époux[2] ; pleurer à l’irlandaise (to weep irish), c’est chez eux

    xviie siècle, plus aisément que les highlanders d’Écosse.) — On lit dans un journal écossais, de 1750, qu’un meurtrier fut acquitté parce que sa victime portait la tartane.

  1. Giraldus Cambrensis (Topograph. Hiberniæ, III, c. xxix) reprocha à l’Irlande de ne pas compter parmi ses saints un seul martyr. « Non fuit qui faceret hoc bonum : non fuit usque ad unum !  » Moritz, archevêque de Cashel, répondit que l’Irlande pouvait du moins se vanter d’un grand nombre de personnages dont la science avait éclairé l’Europe. « Mais, peut-être, ajouta-t-il, aujourd’hui que votre maître, le roi d’Angleterre, tient la monarchie entre ses mains, nous pourrons ajouter des martyrs à la liste de nos saints. » — O’Halloran, Introduct. to the hist. of Ireland. Dublin, 1803, p. 177.
  2. Logan. C’est une improvisation en vers sur les vertus du mort. À la fin de chaque stance, un chœur de femmes pousse un cri plaintif. Dans les cantons éloignés de l’Irlande, on s’adresse au mort et on lui reproche d’être mort, quoiqu’il eût une bonne femme, une vache à lait, de beaux enfants, et sa suffisance de pommes de terre.