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MONDE GERMANIQUE.

ter des accusations calomnieuses, il amassa des trésors considérables. « Cet intrigant, que nous ne connaissons, il est vrai, que par les récits de Grégoire de Tours, son ennemi personnel, essaya, dit-il, de le perdre en le faisant accuser d’avoir mal parlé de la reine Frédégonde. Mais le peuple s’assembla en grand nombre, et le roi se contenta du serment de l’évêque, qui dit la messe sur trois autels. Les évêques assemblés menaçaient même le roi de le priver de la communion. Leudaste fut tué quelque temps après par les gens de Frédégonde.

Les grands noms, les noms populaires de cette époque, ceux qui sont restés dans la mémoire des hommes, sont ceux des reines, et non des rois ; ceux de Frédégonde et de Brunehaut. La seconde, fille du roi des Goths d’Espagne, esprit imbu de la culture romaine, femme pleine de grâce et d’insinuation, fut appelée, par son mariage avec Sigebert, dans la sauvage Ostrasie, dans cette Germanie gauloise, théâtre d’une invasion éternelle. Frédégonde, au contraire, génie tout barbare, s’empara de l’esprit du pauvre roi de Neustrie, roi grammairien et théologien, qui dut aux crimes de sa femme le nom de Néron de la France. Elle lui fit d’abord étrangler sa femme légitime, Galswinthe, sœur de Brunehaut ; puis ses beaux-fils y passèrent, puis son beau-frère Sigebert. Cette femme terrible, entourée d’hommes dévoués qu’elle fascinait de son génie meurtrier, dont elle troublait la raison par d’enivrants breuvages[1], frappait par eux

  1. Grégoire de Tours. Frédégonde donne un breuvage à deux clercs pour qu’ils aillent assassiner Childebert.