Page:Michelet - La Mer, 1875.djvu/115

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Prenez dans la masse au hasard, vous en trouvez de féconds, vous en trouvez qui le furent et d’autres qui voudraient l’être. Dans ce monde, qui ne connaît pas l’union fixe, le plaisir est une aventure, l’amour une navigation. Sur toute la route, ils épanchent des torrents de fécondité.

À deux ou trois brasses d’épaisseur, l’eau disparaît sous l’abondance incroyable du flux maternel où nagent les œufs du hareng. C’est un spectacle, au lever du soleil, de voir aussi loin qu’on peut voir, à plusieurs lieues, la mer blanche de la laitance des mâles.

Épaisses, grasses et visqueuses ondes, où la vie fermente dans le levain de la vie. Sur des centaines de lieues, en long et en large, c’est comme un volcan de lait, et de lait fécond qui a fait son éruption, et qui a noyé la mer.



Pleine de vie à la surface, la mer en serait comble si cette puissance indicible de production n’était violemment combattue par l’âpre ligue de toutes les destructions. Qu’on songe que chaque hareng a quarante, cinquante, jusqu’à soixante-dix mille œufs ! Si la mort violente n’y portait