Page:Michelet - La Mer, 1875.djvu/124

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des mers. Les reflets en sont singuliers, souvent bizarrement irisés, sur les écailles des poissons, par exemple, sur les mollusques, qui semblent en tirer tout le luxe de leurs coquilles nacrées.

C’est ce qui saisit le plus l’enfant qui voit pour la première fois un poisson. J’étais bien petit quand cela m’arriva, mais je m’en rappelle parfaitement la vive impression. Cet être brillant, glissant, dans ses écailles d’argent, me jeta dans un étonnement, un ravissement qu’on ne peut dire. J’essayai de le saisir, mais je le trouvai aussi difficile à prendre que l’eau qui fuyait dans mes petits doigts. Il me parut identique à l’élément où il nageait. J’eus l’idée confuse qu’il n’était rien autre chose que l’eau, l’eau animale, organisée.

Longtemps après, devenu homme, je ne fus guère moins frappé en voyant sur une plage je ne sais quel rayonné. À travers son corps transparent, je distinguais les cailloux, le sable. Incolore comme du verre, légèrement consistant, tremblant dès qu’on le remuait, il m’apparut comme aux anciens et comme à Réaumur encore, qui appelait simplement ces êtres une eau gélatinisée.

Combien plus a-t-on cette impression quand on trouve en leur formation première les rubans d’un blanc jaunâtre où la mer fait l’ébauche molle de ses solides fucus, les laminaires, qui, brunissant,