Page:Michelet - La Mer, 1875.djvu/138

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vie, — j’oserais dire, ravis d’être nés, faisant leur fête de naissance par une étrange bacchanale.

Au second plan fourmillaient de tout petits serpentaux ou anguilles microscopiques qui nageaient moins qu’ils ne vibraient pour se darder en avant (on les nomme vibrions).

Las d’un si grand mouvement, l’œil pourtant remarquait bientôt que tout n’était pas mobile. Il y avait des vibrions encore roides qui ne vibraient pas. Il y en avait de liés entre eux, enlacés, groupés en grappes, en essaims, qui ne s’étaient pas détachés et qui avaient l’air d’attendre le moment de la délivrance.

Dans cette fermentation vivante d’êtres immobiles encore, se ruait, rageait, fourrageait, la meute désordonnée de ces gros trapus (les kolpodes), qui semblaient en faire pâture, s’en régaler, s’y engraisser, vivre là à discrétion.

Notez que ce grand spectacle se déployait dans l’enceinte d’un atome pris à la pointe d’une aiguille sur la pellicule. Combien de scènes pareilles aurait offertes cet océan gélatineux, si promptement venu sur le vase ! Le temps avait été merveilleusement mis à profit. Les mourants ou morts, de leur vie échappée, avaient sur-le-champ fait un monde. Pour trois animaux perdus, j’en avais gagné des millions ; ceux-ci si jeunes et si vivants, emportés