Page:Michelet - La Mer, 1875.djvu/153

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drines historiées de leur labyrinthe, dont les vallées, les collines, se marquent en vives couleurs. Les cariophylles (ou œillets) de velours vert, nué d’orange, au bout de leur rameau calcaire, pêchent leurs petits aliments en remuant doucement dans l’eau leurs riches étamines d’or.

Sur la tête de ce monde d’en bas, comme pour l’abriter du soleil, ondulant en saules, en lianes, ou se balançant en palmiers, les majestueuses gorgones de plusieurs pieds font, avec les arbres nains de l’isis, une forêt. D’un arbre à l’autre, la plumaria enroule sa spirale qu’on croirait une vrille de vigne et les fait correspondre ensemble par ses fins et légers rameaux, nuancés de brillants reflets.

Cela charme, cela trouble ; c’est un vertige et comme un songe. La fée aux mirages glissants, l’eau, ajoute à ces couleurs un prisme de teintes fuyantes, une mobilité merveilleuse, une inconstance capricieuse, une hésitation, un doute.

Ai-je vu ? Non, ce n’était pas… Était-ce un être ou un reflet ?… Oui pourtant, ce sont bien des êtres ! car je vois un monde réel qui s’y loge et qui s’y joue. Les mollusques y ont confiance, y traînent leur coquille nacrée. Les crabes y ont confiance, y courent, y chassent. D’étranges poissons, ventrus et courts, vêtus d’or et de cent couleurs, y promènent leur